Ben
oui, j’ai pris mon congé à 34 semaines.
Et
j’aimerais ça qu’on s’en jase de ça.... De cette « norme » de débuter son
congé de maternité à 36-37 semaines. Sérieux, peut-on en parler? De ces jugements
qui vient de monsieur-madame Tout-l’monde qui font les gros yeux et les gros
commentaires quand tu choisis de quitter avant le temps... Je vais y aller avec mon « histoire » à moi, histoire très
banale soit dit en passant. Mon histoire à moi qui devais partir à 36 semaines et 4 jours de
grossesse... Dans la norme, t’sais!
C’était
le lundi 7 octobre dernier. Ça faisait quelques temps que j’accumulais la
fatigue et que j’essayais d’arriver à tout faire ce que je voulais faire, comme
plusieurs d’entre vous le font sans doute. Ah, les profs. On s’en met de la
pression...
La
cloche du retour du dîner à sonner et mes élèves sont entrés en classe. Je ne
me souviens plus clairement ce qui s’est passé, mais je sais que ça ne
fonctionnait pas du tout avec mes élèves. Je me souviens aussi que j’ai perdu
patience. Solide. Comme je déteste perdre patience.
J’ai
sorti ma grosse voix de prof-pas-fine et j’ai mis fin à l’activité en cours.
J’ai mis mes élèves en travail autonome et je leur ai dit que je ne voulais
plus entendre un son. J’étais en colère. Fâchée de ne pas trouver à ce
moment-là une solution qui aurait été plus appropriée, une solution qui s’aligne
avec mes valeurs de p’tite prof. Parce que la grosse voix et la perte de
patience, je sais que c’est normal à l’occasion, mais c’est tellement à
l’opposé de ce que je veux être comme enseignante, comme modèle. Avec la
fatigue du troisième trimestre de ma grossesse, je pense que ma patience était
aussi réduite, n’aidant en rien.
Ceci
dit, une fois que la cloche de la récréation a sonné, j’étais tellement
heureuse d’avoir un 15 minutes pour reprendre mon souffle. Tout le monde
dehors, Mme Stéfanie a besoin de paix et de silence.
Mais
non. À ce moment-là, mon téléphone a sonné et c’était mon médecin, celle qui
assure mon suivi de grossesse. Une belle grossesse d’ailleurs, sans embuche
particulière, sauf la fatigue normale que vivent pas mal toutes les femmes
enceintes. Elle m’a dit : « Stéfanie, je
sais qu’on se voit jeudi, mais je dois t’avertir avant ça que l’hôpital va te
téléphoner aujourd’hui : tu fais du diabète de grossesse, on doit le prendre en
charge maintenant. »
BANG! Sans que je les appelle et sans trop comprendre pourquoi, des larmes ont
littéralement créé un déluge dans ma face. « On meurt pas du
diabète Stéfanie. C’est pas ben grave, que j’essayais de me dire. »
J’essayais
de répondre à mon médecin, mais ma voix tremblait tellement qu’il n’y avait
rien de clair. Elle n’arrêtait pas de s’excuser à l’autre bout du fil. Je lui
disais que je passais juste une mauvaise journée et que c'était la goutte de trop. Je suis sortie de ma classe,
je suis allée voir la secrétaire pour qu’elle envoie quelqu’un pour me
remplacer au retour de la récréation.
Cette
annonce, c’était la claque dans le visage qui m’a annoncé que j’allais
peut-être devoir accrocher ma cape plus vite que prévu. Dans ma tête – t’sais, la tête qui veut répondre à la dite norme de 36-37 semaines - je ne pouvais PAS quitter
avant ma date de départ prévue, soit le 8 novembre. Je DEVAIS terminer la première
étape pour mes élèves, pour l’enseignante qui me remplacerait, pour assurer un
bon suivi entre la première et la deuxième étape, pour que les bulletins de mes
élèves soient faits adéquatement, pour, pour, pour...
Sérieusement,
on se prend pour qui parfois les profs? Des superhéros sans qui nos élèves ne
survivraient pas?
Dans
mon coeur, mon corps, mon esprit, la pression devenait de plus en plus haute et
j’avais du mal à prendre le dessus. Jongler entre les congés pour mes
rendez-vous de suivi, la planification des suppléances, le programme accéléré de
l’anglais intensif en 6e année, la gestion de classe et des comportements
de mes élèves, la planification liée à l’arrivée d’un bébé, c’était too much.
J’allais devoir ajouter encore d’autres rendez-vous pour mon diabète de
grossesse, apprendre à gérer le dit diabète, la prise de glycémie, la gestion
de ma diète...
Wooooh
minute la mère.
Ouep,
wooooh minute la MÈRE. J’ai réalisé que je devenais maman. Écoute bien... Je le
savais que je devenais maman, j’suis pas folle quand même... Mais mon cerveau n’avait
pas encore fait « le switch » je pense.
Celui de prof à maman, t’sais. Ça m’a pris cette semaine-là, je crois, pour
réaliser qui je devenais vraiment et que ça passerait désormais en premier plan
dans ma vie.
J’ai
parlé avec des collègues, avec des amies, avec mes parents et avec mon chum.
J’avais besoin de me faire dire que c’était correct, j'pense. Que je pouvais
partir plus tôt, avant même d’avoir terminé mon étape. Et le jeudi, j’en ai
parlé – ou lire ici pleuré
- avec mon médecin. Elle m’a également fait comprendre que c’était assez.
J’avais donné tout ce que j’avais à donner pour cette année. La priorité était
mon repos, ma santé, mon bébé.
Alors
plutôt que de partir à 36 semaines et 4 jours, comme c’était prévu, j’ai quitté
à 34 semaines.
Je
me suis fait dire 1001 fois que je partais « dont ben tôt ». Qu’il
m’en restait pas gros et que je pouvais « toffer » encore. Que j’allais
avoir moins de temps avec mon bébé après. Que j’allais trouver ça difficile d’envoyer
mon garçon à la garderie plus tôt l’année prochaine. Que j’allais ci, que j’allais
ça.
Pourquoi
je te dis tout ça?
Parce
que j’ai envie de te dire de t’écouter toi. Tant mieux si tu restes aussi
longtemps que tu le voulais dans ton plan de match idéal. Mais si t’es
fatiguée, pars ma belle. Vas-y te reposer. T’auras peut-être deux-trois
semaines de moins avec ton bébé l’an prochain, mais tu vas être reposée quand
il va arriver et ça, c'est un beau cadeau à vous faire à tous les deux. Tu vas en avoir besoin d’énergie.
Ton bébé aura une seule maman. Il n’y aura personne pour te remplacer dans
ce rôle-là.
Tes
élèves, eux, ils en auront un autre prof quant à eux. Life goes on. Ils vont s'en sortir sans toi.
Monsieur-madame
Tout-l’monde peuvent continuer à faire leurs commentaires et rouler leurs gros yeux qui n'apportent rien de bon à personne. C’est
toi qui vis cette grossesse. Pas eux.
Sur ce, je te souhaite une belle fin de grossesse et un congé de maternité à la hauteur de tes attentes. xx